L’étendard sanglant est levé
Anna Jolivet et Hermann Graf von Westerholt
Le 22 mai 2014, l’armée thaïlandaise a pris le contrôle du pays en effectuant un coup d’état. Depuis, le National Council for Peace and Order (NCPO) a instauré la loi martiale et s’est placé à la tête d’un régime qui bafoue les droits de l’homme.
Les mesures prises par le NCPO, sous la houlette du général Prayuth Chan-Ocha, ont peu à envier aux dictatures modernes, avec notamment la mise en place de l’ordonnance 103/2557 qui interdit toute forme de critique de l’armée, du NCPO et de la monarchie. Tout contrevenant à cette ordonnance s’expose à une enquête de police qui peut aboutir à une peine de prison, comme le montre l’exemple d’un chauffeur de taxi condamné à deux ans et demi d’emprisonnement pour avoir discuté des inégalités sociales en Thaïlande avec un de ses passagers. La censure est donc complète, et des soldats ont été envoyés à travers le pays afin de diffuser une propagande mensongère. De plus, toute activité d’opposition à la junte est formellement interdite, et serait de toute manière rendue très difficile à cause du couvre-feu imposé de 22h à 5h et de l’interdiction de se rassembler en groupes de plus de cinq personnes. Ainsi, plus de 300 personnes ont été arrêtées arbitrairement depuis le coup d’état, dont la plupart des membres de l’ancien gouvernement et de l’opposition dont les familles sont surveillées et menacées. Certains ont même déclaré avoir été victime d’enlèvement et de torture, comme l’opposante Kritsuda Khunasen, qui a fui vers l’Europe après avoir été emprisonnée un mois. Elle a même frôlé la mort en prison lorsque ses agresseurs l’ont étouffée avec un sac en plastique.
Le NCPO justifie ce coup d’état par la violence des manifestations opposant les Chemises Rouges (partisans de l’ancienne première ministre Yingluck Shinawatra et de son frère Thaksin Shinawatra, à la tête de l’état jusqu’en 2006) aux membres du People’s Democratic Reform Committee (PDRC). L’objectif des militaires est de restaurer le calme dans le pays et d’organiser des élections fin 2015. C’est tout du moins ce qu’ils prétendent.
A défaut de pouvoir protester ouvertement, certains Thaïlandais en désaccord avec le coup d’état ont adopté des gestes plus discrets mais toujours passibles d’amendes élevées et de peines de prison, comme de lire le roman 1984 de George Orwell, de chanter la Marseillaise en public ou même d’effectuer le salut à trois doigts tiré de la saga Hunger Games de Suzanne Collins, symbole de la rébellion.
La communauté internationale n’est pas convaincue des intentions démocratiques proclamées par l’armée, et craint que la situation ne dégénère en de nouveaux affrontements violents entre l’armée et ses opposants. A ce jour, le tourisme en Thaïlande a baissé de près de 11% par rapport à l’année dernière alors que ce secteur représente 10% de l’économie thaïlandaise. De plus, la demande du gouvernement d’obtenir un siège au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, émise le 22 juillet 2014, a été rejetée. Le directeur de la zone Asie de Human Rights Watch, Brad Adams, a précisé que cette demande ne pourrait être traitée sérieusement tant que le pays était soumis à un régime militaire répressif.
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